A Villeneuve-les-Béziers, le restaurant bistronomique Le Boucan a ouvert en Octobre 2017. Retour sur cette perle du Midi.
LES BOUCANS. On en croise par dizaines le long de la Canebière, gesticulant des mains, la trogne fâchée et la gouaille en surchauffe.
Avisez-vous de contester la distance du cochonnet, vous saurez pourquoi on les appelle boucans.
Le Boucan est au marseillais ce que le testard est au languedocien : une tête de lard au sang tournant plus vite qu’un V8 de Fangio.
Dans la cité phocéenne, le Panier gronde de boucans hurlant aux trente-six diables, la bougie écarlate et les mains en pinces de crabe.
Benjamin Meurisse en fait partie, un de ces boucans aussi têtus qu’attachants. A ses côtés, Dana Lelong, une force tranquille. « Douce » moitié, c’est peu dire pour tempérer un boucan.
Voilà quelques années que l’adorable bonhomme a tiré sa révérence à la Bonne Mère pour s’installer en terre biterroise, auprès de sa belle des Hauts-Cantons.
29 ans, fille du Caroux, Dana a grandi à Mons-la-Trivalle. C’est une ancienne du lycée Jean Moulin de Béziers, elle y a fait ses études hôtelières. Nous fournissons par ailleurs en bières artisanales sa maman qui tient La Rodge, une excellente pizzeria à Mons-La-Trivalle.
Ancien second de cuisine du restaurant O Fagot à Valras, Ben a traversé en 2016 toute l’expérience Top Chef de Franck Radiu. Après la reprise de L’Octopus par ce dernier, le jeune chef est parti voler de ses propres ailes avec Dana.
Ils ont ouvert Le Boucan le 9 octobre 2017.
Un restaurant bistronomique à Villeneuve-les-Béziers
A quelques pas du Canal du Midi, nous voilà attablés chez Dana et Ben, l’appétit ouvert par quelques grignote et un verre Gorge Fraîche.
Le chef prépare notre repas, nous nous sommes laissés tenter par la carte : canette en feuille d algues et ses légumes de saison.
Au milieu d’une discussion (à propos d’une énième réparation de trapadelle NDLR), Dana arrive avec la commande et nous coupe la chique.
Ce qu’elle nous sert est une sculpture raffinée de viande, de couleurs et de crudités. La pièce de canette est couchée sur un ensemble gustatif très surprenant qui nous laissent pantois. La cuisine du Boucan nous fait forte impression et enfonce le clou avec un incroyable cannelloni d’ananas au dessert.
Nous sommes… espantés.
Le rapport qualité-prix est impressionnant.
L’instant Boucan
Nous ne le savons pas encore, mais nous venons de nous faire braconner dans l’Instant Boucan. Rien n’arrive au hasard, Ben et Dana ont tout manigancé. Espanter, ils en ont fait leur éthique ! L’établissement se positionne sur un créneau qualitatif, avec un effort très poussé sur la démarcation, tant sur le plan gustatif que créatif.
La jeune patronne nous explique :
« Dans notre approche, nous privilégions au maximum l’expérience du client et son confort. Nous ne cherchons pas le volume. On préfère faire vingt couverts et coucouner nos clients plutôt que d’envoyer sur beaucoup de monde. C’est ce qui fait que les gens se sentent bien au Boucan. »
Le chef revisite les grands classiques avec des interprétations bistronomiques de haute-voltige, piochant ça et là le meilleur parti des cuisines régionales.
Montant ses assiettes avec le soin d’un impressionniste, Ben travaille sa passion autant sur la forme que sur le fond: du visuel, des produits frais, saisonniers, cuisinés dans un spectacle discret où le plaisir est maître-mot.
Avec le petit vin du coin, Ben et Danaé finissent de marquer au fer rouge la cuisse de Dyonisos.
C’est bien connu, un marseillais craint dégun. Face à la routine, le boucan s’assoit à la table des frondeurs et sort les mains en pince de crabe. Inventif, curieux, il sculpte ses plats, revisite le traditionnel.
Histoire d’amour et de cuisine
A 31 ans, il a réalisé son rêve d’ouvrir son restaurant à la trentaine. Tombé très tôt dans la profession, Ben a fait ses classes hôtelières à Marseille, intégré à 16 ans Le Chalut aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
« Fallait voir le rythme de travail. Après l’école, je rentrais à Miramas et j’allais travailler aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Je gagnais 300 balles et je les donnais à ma mère. Ca c’était de mes 16 ans à mes 18 ans. J’ai beaucoup profité de ce temps-là, j’étais dans mon élément, j’adorais cuire les viandes. »
Baroudant entre la Corse et la Haute-Savoie, Ben a façonné son métier dans de multiples restaurants. C’est à Megève qu’il rencontre Dana, à l’époque saisonnière comme lui. Ils sont redescendus dans le sud ensemble pour faire l’ouverture d’une plage privée à Vendres.
Ben est finalement rentré chez Franck Radiu au restaurant O Fagot, où il restera trois ans. En 2016, il participe en coulisse à toute l’expérience Top Chef.
« L’expérience de travailler avec Franck a été très forte. La plus belle que j’ai eue en cuisine » se souvient-il, nostalgique.
Depuis six mois, le petit couple fait connaissance avec sa nouvelle clientèle. Dana est enchantée de l’aventure.
« Nos clients sont vraiment gentils et le voisinage adorable. On a des mamies sympas qui viennent nous voir. On se fournit en pain chez Didier Rico, le boulanger à côté qui fait des supers produits. On travaille aussi la privatisation à partir de vingt couverts : baptêmes, mariages, anniversaires, toutes les demandes sont étudiées » nous raconte-t-elle.
Et Benjamin de rajouter :
« On est bien à travailler comme ça. Je m’en fous d’être riche. Tant que je peux payer mon billet pour l’OM et que ma femme est heureuse, ça me va ! ». La philosophie d’un gars simple, tourné vers la vie et le plaisir de l’instant présent.
Oui, parce qu’on a oublié de préciser un détail. Un boucan n’a qu’une religion :
L’Olympique de Marseille.
Le Boucan : Perle du Midi !
A bas bruit, le restaurant de nos adorables tourtereaux entonne le boucan d’une cuisine surprenante et très soignée.
Un petit coin de bonheur où il fait bon de s’attabler, et tranquillement…se laisser assourdir.
Merci à Benjamin et Dana.
Avec toute notre reconnaissance.
La Gorge Fraîche